À-venir de l’enseignement dans le supérieur français
Après l’autonomie des universités, celle des étudiants
Même sans considérer la question du financement de la recherche, toutes les universités françaises souffrent – bien que dans des proportions différentes – d’un manque de moyen. Les effectifs étudiants augmentent en effet continuellement depuis 13 ans, la masse salariale croit mécaniquement même sans recrutement, les locaux ne sont pas extensibles et la dotation étatique ne suit pas [1,2,3].
Fortes de ce constat, les universités cherchent donc logiquement à accroître leurs rentrées d’argent et à faire des économies de fonctionnement. L’objectif est double, assurer la viabilité financière de leur établissement tout en pouvant “accueillir” plus d’étudiants.
Sur le plan des économies, après avoir réduit ou externalisé les différents services support elles cherchent maintenant d’autres marges de manœuvre budgétaires. Puisqu’elles ne contrôlent pas véritablement le nombre d’étudiants qu’elles peuvent accueillir1 et que la proportion d’heures supplémentaires et d’enseignants vacataires [3] est déjà très élevée, les universités ont décidé de réduire le coût de chaque formation sous couvert de favoriser l’“autonomie” des étudiants.
Axe A : Réduction implicite ou explicite du volume d’heures enseignées
D’un point de vue légal, un diplôme de licence représente un minimum de 1500h de cours sur 3 ans (soit 50h de cours pour une Unité d’Enseignement “type”, de 6 ects). Une grande partie des universités dispensaient une licence avec ~1700h d’enseignements (soit 57h de cours par UE “type”), elles ont donc entrepris de réduire le volume enseigné afin converger vers cette limite. Deux orientations ont ainsi vu le jour, celle affichant publiquement ce volume de 1500h, et celle favorisant “l’autonomie” des étudiants.
- Dans le premier cas, réduction ferme, on supprime 12% du volume de l’UE (soit 1 semaine d’enseignements). Une solution de contournement fréquemment adoptée est de choisir de raboter chaque créneau d’enseignement, l’idée étant alors d’en faire autant en moins de temps (créneau d'1h45 au lieu de 2h de cours/td/tp).
- Dans le second cas, on privilégie “l’autonomie” des étudiants. La perte de ces 7h de cours face aux étudiants dans chaque UE se traduit en “projets” ou en heures de travail où un enseignant fait une astreinte en se rendant disponible pour l’ensemble des étudiants de la promotion sur un intervalle de temps donné 2. On peut alors toujours afficher un volume supérieur au minimum légal de 1500h, sans en subir le coût.
Le même type de raisonnement peut naturellement être fait pour les BUT (remplaçants des DUT) et les masters. Les universités les plus fragiles financièrement ont déjà mis en place l’une de ces modalités depuis plusieurs années, les autres s’y préparent.
Axe B : Alignement des taux d’encadrement
Lorsque l’on se place au niveau d’une l’université, le taux d’encadrement (nombre d’étudiants par enseignant) fait partie des indicateurs classiques. Il sert autant à comparer les différentes filières que les différents niveaux de formation d’une même discipline entre-elles et au cours du temps. En 2012 la France était au dessus de la moyenne de l’OCDE sans être totalement décrochée (~15). En 2018, ce taux est passé à 18 pour la France, pour une moyenne OCDE stable [4]. La France a donc un comportement défavorablement différent de ses voisins.
A l’échelle d’une discipline, ce taux est traditionnellement meilleur en master qu’en licence (les étudiants de master sont plus encadrés), le “coût” par étudiant y est donc plus élevé. Si l’on peut tout à fait entendre qu’un enseignement de master soit un enseignement de spécialité et qu’à ce titre un taux d’encadrement plus élevé est concomitant, l’argument inverse se défend également : Les étudiants de niveau licence sont moins autonomes et ont donc besoin de plus d’encadrement qu’en master.
Il n’existe aucun ratio taux-d’encadrement licence/master officiellement défini comme acceptable. Des répartitions différentes existent donc dans les différentes disciplines de chaque établissement. Dans les faits, les taux d’encadrement en licence et en master sont uniquement basé sur un historique propre à chaque discipline au sein de chaque établissement, et à des rapports de force. Les disparités observées ne manquent pas d’engendrer des frictions quand à l’effort fait par les uns ou les autres. En outre, sans ratio officiellement identifié - quel qu’il soit - et dans un contexte économiquement contraint, les déséquilibres quantitatifs apparents entre L et M offrent l’opportunité aux équipes décanales de proposer une homogénéisation des pratiques penchant rarement en faveur du mieux disant pédagogiquement parlant.
Bien qu’à ma connaissance encore minoritaire au sein de l’ESR, la mise en œuvre de cet alignement (quand il ne s’accompagne pas d’une diminution globale de sa valeur) tend à s’accroître, et avec elle l’autonomie des étudiants.
Axe C : Distanciel et (a)synchronisme
La crise sanitaire de 2020/2021 et la bascule forcée au tout-distanciel ont conduits les équipes décanales à mesurer le gisement d’économies que représente cette modalité d’enseignement (économies de chauffage, restauration, ménage, appariteurs,..). A titre illustratif, plus de 700.000 euros ont ainsi été économisés par Sorbonne Université en 2020 sur le seul poste que représentent les subventions accordées pour les repas pris au CROUS. Sur ce même exercice, c’est un total de 14 millions d’euros de dépenses budgétées qui n’ont pas été consommées pour la seule université de Strasbourg [11].
Ce constat est le même partout. Par conséquent, toutes les universités ont initié des démarches pour pérenniser au moins une partie de cette organisation, que celle-ci soit ou non pertinente pédagogiquement parlant. Certaines l’ont déjà officialisé (Strasbourg, Rouen), et la liste va s’allonger dans les prochaines semaines. Si les options des axes A et B, déja largement éprouvées, ne font débat dans les établissements que dans le choix, la vitesse et l’étendue du déploiement de l’orientation retenue, celles de l’axe C sont aujourd’hui plus beaucoup exploratoires.
À l’heure ou j’écris ces lignes, et quoi qu’en dise notre ministre, la quasi totalité des enseignements dans le supérieur sont réalisés en distanciel synchrone. Ce n’est justement possible que parce que la totalité des enseignements le sont. C’est une évidence qu’il me semble néanmoins nécessaire de rappeler puisqu’il m’arrive encore trop fréquemment de voir des équipes ministérielles – et même des équipes pédagogiques ou administratives – envisager (et mettre en œuvre) une organisation en présentiel le temps d’un TP, d’une évaluation.. sans se préoccuper des enseignements qui ont lieu avant ou après ledit créneau. Respect.
Sauf à sortir un outil de téléportation de sa poche les contraintes liées au temps de transport sont incompressibles. Une organisation pérenne en distanciel-synchrone ne peut donc se faire qu’à l’échelle de la journée. Or les formations accueillent souvent des étudiants inscrits dans différents parcours, voire différents établissements. Il faudrait donc harmoniser les emplois du temps de toutes ses entités autour d’un même jour de distanciel ou refuser d’accueillir ces étudiants.
Quitte à mettre en oeuvre du distanciel, le distanciel-synchrone à l’échelle d’une journée aurait ma préférence car permettant de maintenir un minimum d’interactions tout en réduisant encombrement des réseaux routiers, pollution et réchauffement climatique. Mais devant l’ampleur de la tâche de coordination requise, j’ai la faiblesse de croire qu’une majorité d’établissements tenteront de contourner cette difficulté en privilégiant l’asynchrone. Devant ce qui me semble être le début d’une vague de fond dans cette direction, osons entrer dans le détail des éventuels coûts/bénéfices à obtenir d’une dose d’asynchronisme:
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++Cours d’amphi enregistrés (distanciel asynchrone)++ : Un cours en amphi étant par nature majoritairement unidirectionnel, il est assez facile d’envisager pérenniser une diffusion de cours enregistrés.
- Pour l’enseignant :
- (~) Hors filières spécifiques, les cours d’amphis sont notoirement peu suivis en présentiel au delà des 3 premières semaines. L’offrir en distanciel pourrait permettre d’accroître le nombre d’étudiants touchés (ou pas). En contrepartie, il n’est pas dit que les étudiants qui suivent les cours en présentiels – statistiquement surreprésentés dans ceux qui réussissent leur année – s’y retrouvent.
- (-) Il n’y a pas de gain de temps de travail pour le responsable du cours, au contraire. Dispenser les cours en ligne requiert a minima de réserver un temps supplémentaire pour répondre aux questions qui ne manqueront pas d’arriver par messagerie, que l’on conserve ou non des créneaux dédié pour les échanges avec les étudiants. Et si l’on suit les recommandations pour la conception de SPOC, il faut repenser intégralement le contenu en séquences pédagogiques courtes de ~15/20 mins.
- (-) Le fait d’enregistrer son discours pour diffusion modifie également profondément la façon d’enseigner. Les paroles s’envolent, les enregistrements restent. Les parenthèses disparaissent, de même que la possibilité de rebondir sur les remarques des étudiants. Le lien avec les étudiants s’en trouve affaibli.
- Pour l’étudiant
- (+) L’avantage est de pouvoir adapter le rythme du cours à chacun. Plus généralement, la mise à disposition des vidéos des cours est plébiscité par les étudiants, mais les enquêtes réalisées pendant la crise sanitaire montrent que ceux-ci souhaitent disposer des enregistrement en plus du cours en direct afin de revoir des notions mal comprises, pas supprimer les amphis.
- (-) Suivre un enseignement de façon solitaire – qui plus est en asynchrone – requiert un ordinateur, un abonnement internet, un environnement calme et une certaine autonomie (et donc discipline). Cette dernière est plus difficilement maintenue par les étudiants de première(s) année(s).
- Pour l’établissement
- (-) L’enregistrement et la diffusion des cours n’engendre qu’un gain financier marginal. En effet un cours d’amphi s’adresse déjà à plusieurs centaines d’étudiants. La réduction du nombre d’enseignants nécessaires n’intervient donc que pour les très grosses promotions, donc principalement en L1/L2, et ne fait gagner que quelques dizaines d’heures.
- (-) Les années permettant de gagner ces quelques heures sont justement celles ou les étudiants sont les plus jeunes, et donc les moins autonomes.
- (+) Si un cours enregistré ne libère pas de nombreuses heures enseignantes, il libère par contre un créneau horaire pour tous les étudiants, ce qui facilite la constitution des emplois du temps.
- (+) La généralisation des cours enregistrés permet la constitution rapide d’une base de cours enregistrés. Cela facilitera la mise en place de la formation continue (formation tout au long de la vie, à destination des salariés) – économiquement et politiquement pertinente – ainsi que l’internationalisation de l’université. Il suffit en effet de payer des services de traduction de cours “vitrines” pour améliorer l’image de l’établissement sur le marché de l’enseignement supérieur international.
- Pour l’enseignant :
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++Travaux dirigés enregistrés++ :Travaux dirigés (Tds) comme travaux pratiques (Tps) sont là où se concentrent la majorité des heures enseignantes, et donc le gros de l’éventuel gisement d’économies. Les étudiants y sont en effet par classes de 16 à 40 étudiants, il est donc fréquent de voir plus de 10 groupes de TD pour une ue de tronc commun à un niveau licence.
- Pour les enseignants et les étudiants :
- (-) TDs et TPs sont le lieu où l’enseignant échange avec ses étudiants, et souvent également le lieu où l’étudiant découvre (à tort) les notions introduites dans le cours auquel il n’a pas assisté. Les interactions et les reformulations sont donc la base de ces séances. Une bascule en asynchrone, même partielle, engendrerai une perte de lien entre l’établissement/l’enseignant et ses étudiants, de même qu’entre les étudiants eux-mêmes.
- (+) Comme pour les amphithéâtres, les étudiants pourraient avancer à leur rythme, en “autonomie”.
- (-) Même en présentiel, inciter les étudiants à trouver par eux-même la solution à un exercice donné plutôt que d’attendre la correction qui sera fournie au tableau un peu plus tard est loin d’être évident, quelle que soit l’année d’étude. Suivre une séance en asynchrone requiert donc une discipline intellectuelle encore plus importante des étudiants, qui disposeront littéralement de la solution au bout des doigts. Comme le disait un illustre enseignant, “Plus facile, plus rapide, plus séduisant(e) [..]” sera la voie offerte aux étudiants peu disciplinés. Combien seront suffisamment autonomes et responsables pour organiser leur emplois du temps de façon à suivre ces séances et résister à l’envie d’avancer d’un clic vers la solution à la moindre difficulté rencontrée ? Et parmi eux, combien croiront avoir compris sans effort et être en mesure de (re)faire le même type d’exercice avec succès ?
- (~) La mise en ligne de l’ensemble des exercices et corrigés conduira automatiquement à leur diffusion sur internet. Au risque de le subir, les équipes pédagogiques devront complètement repenser l’approche et les usages qu’elles ont des ressources transmises aux étudiants (annales, projets,..)
- Pour l’établissement :
- (+) Comme évoqué plus haut, le gain financier est significatif. Chaque séance enregistrée libère ici autant de salles que d’enseignants. Multiplié par le nombre d’ues, se sont très vite plusieurs centaines d’heures eqTD qui sont ainsi dégagées.
- (+) Les gains obtenus permettent, sous réserve que les plannings et locaux le supportent, de rehausser les capacités d’accueil de l’établissement sur la plateforme Parcoursup - point cristallisant les divergences entre établissement et gouvernement. Cela offre alors un élément de négociation important lors du calcul de la dotation annuelle.
- Pour les enseignants et les étudiants :
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++Travaux pratiques enregistrés++ : Pour les disciplines ou matières qui nécessitent du matériel spécifique, même l’équipe dirigeante la plus sensible aux questions budgétaires ne saurait s’affranchir du mur de la réalité. Mais pour les autres cas ? On entend aujourd’hui parler de la possibilité, pour les étudiants réalisant leurs tps sur des ordinateurs ou sur feuille de les effectuer chez eux (langues étrangères, mathématiques, informatique, physique, ..). Le gain financier pourrait à première vue être perçu comme équivalent à celui des tds et un certain nombre de points sont identiques au cas des travaux-dirigés.
- Pour enseignants et étudiants :
- (-)Outre une vitesse de progression plus lente, une telle organisation induira une surcharge de travail des équipes enseignantes pour les disciplines s’appuyant sur des ressources logicielles. En effet, ne prévoyant une augmentation significative du recrutement du personnel support dans les prochaines années, les enseignants se retrouveront à servir de SAV pour tous les problèmes techniques que ne manqueraient pas de rencontrer les étudiants. Les étudiant eux se retrouveraient dépendant du bon vouloir de l’enseignant sur laquelle ils tomberont en TP. A l’heure où les ressources enseignantes se font plus rare, choisir cette option ne semble pas la stratégie la plus judicieuse possible.
- (-) Le travail de groupe (majoritairement en binôme) n’est jamais aussi efficace qu’en présentiel.
- (+) Les étudiants les plus autonomes et disposant du meilleur environnement de travail s’y retrouveront, pouvant même avancer à leu rythme.
- Pour l’établissement:
- (+) Outre l’aspect financier direct de la diminution des Tps, le gain potentiel se trouverait sur l’utilisation des locaux. En effet les tps sont des enseignements à “petit” effectif. Cette ressource est donc très sollicitée. Réussir à libérer des créneaux horaires n’est pas négligeable.
- (~) Une telle organisation nécessite la mise à disposition des étudiants d’un ensemble d’outils aujourd’hui disponibles sur site (logiciels, machines aux caractéristiques adaptées..), et de les former sérieusement aux outils de synchronisation et de travail collaboratif. Sauf à les ignorer et opter pour une sélection sociale, les coûts associés sont très importants. Une solution stratégique pourrait être, pour les Tps d’informatique de niveau L, de doter tous les étudiants d’un ordinateur portable et de stopper le renouvellement des salles machines de niveau L. Pour peu que toutes les salles de l’établissement soient correctement équipés du wifi et de prises électriques, cette option aurait l’avantage de rendre les salles agnostiques à l’enseignement qui s’y déroule (TD ou TP), allégeant alors grandement la pression sur les locaux. Mais le cout du SAV pour les équipes enseignantes ne ferait que croitre.
- Pour enseignants et étudiants :
Estimation des conséquences d’une pérennisation d’une dose de distanciel en asynchrone
Une synthèse grossière et totalement non rigoureuse sous la forme d’une somme des +(1)/~(0)/-(-1) pour chaque acteur dessine les gagnants et perdants d’une telle organisation dans le tableau ci-dessous. Une fois n’est pas coutume - même en tachant d’être objectif - une politique initiée pour des raisons purement économiques ne semble pas dégager de forts avantages pour les “agents de terrain de l’enseignement”.
Mise en place de distanciel asynchrone | Cours | TD | TP | Total |
---|---|---|---|---|
Etudiant | 0 | -1 | -1 | -2 (ou -1 si nat) |
Prof | -2 | -1 | -1 | -4 |
Etablissement | 0 | +2 | +1 | +3 |
Le tableau est-il totalement noir ? Si l’on se positionne à l’échelle nationale, il le serait en tout cas un peu moins du point de vue des étudiants. Une telle organisation permettrait en effet aux établissements d’accueillir plus d’étudiants. Nul doute que les actuels recalés de Parcousup sauraient apprécier cette opportunité, fusse-t’elle synonyme d’un enseignement dégradé, à travers le “toujours mieux que rien”. Coté équipes pédagogiques, en dehors de la visibilité de leurs enseignements à l’international, difficile de voir les bénéfices a tirer d’une telle organisation. A nouveau, seule une généralisation d’une dose de distanciel synchrone aurait pour moi véritablement du sens. L’asynchrone doit être uniquement utilisé en complément, ainsi qu’à des fins de rayonnement.
À-venir de l’enseignement supérieur : “Autonomie” et aggravation des inégalités sociales ?
Quels que soient les axes d’économie retenus par les établissements, ils se traduisent aujourd’hui par une plus grande autonomie des étudiants. Or, comme pour l’autonomie des universités, celle des étudiants ne s’accompagne pas de la mise à disposition des ressources pourtant inhérentes à une telle évolution. Les trajectoires des établissements comme des étudiants sont donc similaires : les conditions de cette “autonomie” accentuent les effets des inégalités sociales, que ce soit entre établissements [6], ou entre étudiants[5]. Certes, la mission première de l’enseignement supérieur n’est pas de les effacer, mais elle n’est pas non plus de les amplifier. Ce n’est pas un hasard si les articles L123-2 et L123-3 du code de l’éducation stipulent que la mission n°3 de l’enseignement supérieur est de contribuer à la réduction des inégalité [..] et à la promotion sociale.
Bien sur, croire que les équipes décanales prendraient de telles décisions, par nature impopulaires, uniquement par plaisir ou conviction reviendrait à manquer de discernement. A quelques exceptions près ces évolutions sont guidées par la volonté de desserrer l’étau budgétaire de leurs établissements afin de sauvegarder ce qui est perçu comme devant l’être tout en essayant de répondre aux injonctions gouvernementales d’accueillir plus d’étudiants sans moyens supplémentaires.
Mais jusqu’où faire des compromis ? Mal accueillir le plus grand nombre ou limiter la capacité d’accueil à un volume estimé comme permettant un enseignement dans de “bonnes” ou du moins “raisonnables” conditions ?
- Oui des sources d’économies existent, que ce soit dans les enseignements comme dans les services supports. Mais pas forcément là où on les cherche le plus souvent. Les procédures, lourdeurs et incohérences administratives augmentent ainsi plus vite que les effectifs étudiants, et impactent tous les acteurs sans exception. Or le coût économique et humain associé à cette situation est sous-estimé de plusieurs ordres de grandeur.
- Oui, opter pour une limitation des capacités d’accueil c’est décider de laisser des étudiants sur le carreau et amener l’établissement et la situation de l’enseignement supérieur sur le terrain politique. Avec tous les risques que cela représente.
Mais à l’heure où la compétition internationale entre les établissements du supérieur ne fait que croître et que les principales puissances mondiales augmentent les budgets de l’enseignement supérieur et de la recherche [6,7], notre récente Loi de Programmation de la Recherche (LPR/LPPR) a réussi le tour de force d’ignorer totalement les deux premières lettres de ESR tout en allant à l’encontre de 96% de la communauté scientifique [8,9].
La construction de la connaissance est un enjeu économique, politique et géopolitique. Abandonner, voire même désavouer le lieu de son élaboration, c’est saborder l’avenir de sa nation. Pour une direction d’établissement, choisir d’investir le terrain politique national est aujourd’hui plus qu’une nécessité, c’est un devoir.
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Le nombre de places offertes en 1ère année est le résultat d’une négociation entre le gouvernement rectorat et l’établissement, négociation dont dépend indirectement la dotation à venir. ↩︎
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A noter que les établissements les mieux dotés possèdent parfois ce que l’on appelle des “doublures” pour certains enseignements de TP. Un deuxième enseignant, souvent un doctorant, est présent pendant ce créneau horaire pour aider l’enseignant principal à répondre à toutes les demandes des étudiants. La suppression de ces doublures est évidemment le premier levier d’économie. ↩︎